Je le précise d’emblée : je n’ai aucune preuve formelle de ce que j’avance ici. Il ne s’agit que d’une lecture personnelle, une tentative de décodage politique basée sur l’analyse des mots choisis et des signaux envoyés par le Premier ministre Ousmane SONKO dans sa communication du jeudi 10/O7 dernier, lors de l’installation du Conseil National du PASTEF.
À mon humble avis, le Premier ministre Ousmane SONKO :
– veut rappeler un pacte moral scellé avec Bassirou DIOMAYE FAYE dans les coulisses (Cap-Manuel) ;
– craint que le pouvoir ne change la loyauté du Président Bassirou DIOMAYE FAYE ;
– veut préparer l’opinion à l’idée qu’il pourrait revenir à la tête de l’État après ce quinquennat.
L’hypothèse d’un pacte silencieux entre SONKO et DIOMAYE au Cap-Manuel : un rappel à l’ordre déguisé ?
Beaucoup n’ont sans doute pas saisi la portée réelle des propos du Premier ministre Ousmane SONKO lorsqu’il est revenu sur les échanges qu’il a eus avec Bassirou DIOMAYE FAYE au Cap Manuel, en présence d’un témoin : El Malick Ndiaye, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale.
Et pourtant, dans ce détail se cacherait un non-dit d’une importance capitale, peut-être même la clef de lecture de la tension désormais palpable au sein du pouvoir PASTEF.
Un pacte scellé entre quatre murs ?
Quand le Premier ministre Ousmane SONKO cite l’entretien du Cap Manuel, il ne fait pas que rappeler un souvenir. Il semble vouloir mettre en scène un moment fondateur, celui où le plan B allait devenir le plan A, où le “candidat de substitution” allait devenir présidentiable.
Et surtout, il mentionne un témoin précis : El Malick. Cette désignation n’est pas gratuite. Elle agit selon moi, comme un sceau de légitimité : “Ce que je dis peut-être vérifié.”
C’est donc une manière implicite de rappeler l’existence d’un accord, peut-être non écrit, mais bien réel dans l’esprit des “protagonistes”. Un pacte moral, scellé dans l’urgence politique de l’époque, qui pourrait selon moi, se résumer ainsi : “Je te désigne, je te soutiens, je me bats pour ton élection. En retour, tu portes notre projet commun pendant un mandat et après, tu me cèdes le fauteuil présidentiel avec la volonté du peuple.”
Une loyauté à durée limitée ?
Ce que SONKO semble vouloir dénoncer à demi-mot, c’est un glissement. Une lente mais visible autonomisation de DIOMAYE, désormais président de la République, qui commence à incarner sa propre vision du pouvoir, à construire sa propre légitimité, au-delà de l’ombre du fondateur.
Or, SONKO, de toute évidence, n’entend pas être cantonné au rôle de faiseur de roi éternel. Il parle, agit et réagit comme quelqu’un qui a fait une concession stratégique temporaire, et qui attend le retour d’ascenseur, au moment opportun (2029 c’est pour bientôt).
Ses critiques désormais ouvertes, sa posture de plus en plus affirmée, ses avertissements à peine voilés… Tout cela ressemble à un rappel à l’ordre adressé à son ancien dauphin devenu président de la République : “Souviens-toi, si tu occupes ce fauteuil présidentiel aujourd’hui, j’y suis pour beaucoup.”
Les premiers signes d’un malaise profond
Cette séquence révèle une tension sous-jacente entre deux hommes liés par un même combat, mais peut-être pas par la même ambition à long terme. Le risque ? Une fracture au sein du parti PASTEF, ou pire encore, une dualité de leadership qui paralyse l’action gouvernementale.
Derrière les discours de façade et les marques d’unité, le peuple perçoit quelque chose : le courant ne passe plus comme avant et SONKO a choisi de mettre sur la place publique une partie du différend, en espérant, peut-être, faire pression sur la suite des événements.
Et maintenant ?
La vraie question n’est pas tant de savoir s’il y a eu un pacte. Elle est plutôt de savoir si ce pacte, s’il a existé, a encore une valeur politique ou morale aujourd’hui que les cartes du pouvoir ont changé de mains ?
Bassirou DIOMAYE FAYE est désormais président de la République. Il incarne une légitimité populaire et constitutionnelle. SONKO, lui, reste une figure centrale, mais ne peut plus s’exprimer en tant que chef incontesté (émergence de clans). C’est toute la complexité de cette cohabitation inédite, où le père du projet semble se heurter à l’autonomie de son “dauphin politique”.
Une chose est sûre : ce qui se joue ici dépasse les deux hommes. Il s’agit de la stabilité du projet PASTEF, et au-delà de PASTEF, celle du pays tout entier, de la clarté du leadership et de la confiance du peuple. Et sur ces trois points, les signaux actuels doivent inviter à la vigilance.
Par M. Sally Birom SECK
Diplômé de l’Université Dakar Bourguiba, de l’Université de Lorraine et de l’Université de Strasbourg
Ancien Chargé d’Enseignements Vacataire (C.E.V) à l’Université de Strasbourg
Entrepreneur & Consultant
Observateur de la vie politique sénégalaise
Le 12/07/2025