vendredi, juin 6, 2025
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« Plutôt que de centraliser la gestion foncière, il est nécessaire de renforcer les capacités locales… »(Papa Momar NGOM, Maire de Ngogom).

Centralisation Foncière et Acte 3 de la Décentralisation: vers une réforme foncière systémique et équilibrée pour un développement inclusif et durable.

L’honorable député Amadou Ba envisage de soumettre à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à transférer temporairement la compétence de gestion foncière des collectivités locales à l’Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire (ANAT), en attendant les prochaines élections municipales. Cette initiative, bien qu’animée par la volonté de résoudre certaines problématiques majeures telles que la spéculation foncière et les difficultés d’accès des structures publiques aux terres nécessaires aux projets d’intérêt général, soulève des préoccupations légitimes. Elle remet, notamment, en question les principes fondamentaux de l’Acte 3 de la décentralisation qui vise à renforcer l’autonomie des collectivités territoriales en matière de gouvernance locale (y compris dans la gestion foncière). Avant toute considération technique ou politique, il convient de rappeler un principe fondamental du droit: une loi doit être impersonnelle et ne peut être conçue pour répondre à une situation temporaire ou spécifique. Toute réforme du foncier doit donc s’inscrire dans une vision stratégique à long terme, alignée avec les objectifs de développement du Sénégal. L’Acte 3 de la décentralisation, mis en œuvre dans le cadre des réformes institutionnelles, a confié aux Collectivités territoriales des compétences essentielles en matière de gestion des ressources locales, notamment, le foncier. Ce transfert de responsabilités vise à garantir une gouvernance de proximité plus adaptée aux réalités socio-

économiques des différentes régions du pays. La gestion foncière des collectivités s’inscrit dans un cadre législatif bien défini, notamment par la Loi n° 64-46 du 17 juin 1964 sur le Domaine National et ses textes d’application. Les collectivités territoriales disposent ainsi d’un rôle central dans plusieurs domaines stratégiques liés au foncier :
– L’urbanisme et l’aménagement du territoire
– Planification de l’utilisation des sols pour l’habitat
– Les infrastructures publiques et les zones industrielles
– Maîtrise de l’expansion urbaine et prévention des déséquilibres spatiaux
– Le logement et l’habitatMise en œuvre des politiques de logement social
– Gestion des terrains destinés aux équipements communautaires
– L’agriculture et le développement rural
– Attribution et sécurisation des terres agricoles pour les exploitants locaux
– Préservation des espaces agricoles face à l’urbanisation croissante
– Les services communautaires
– Affectation de terrains pour les écoles
– les centres de santé et les espaces publics
– L’environnement et la gestion des ressources naturelles
– Protection des espaces verts et des réserves naturelles.
– Adaptation aux défis climatiques par une gestion foncière durable
– Le développement économique localOrientation du foncier pour les projets industriels et commerciax
– Création de zones économiques locales pour encourager l’entrepreneuriat
– L’assainissement et l’hygiène publique
– Gestion des terrains nécessaires aux infrastructures d’assainissement. La culture et les sports
– Réservation d’espaces pour les infrastructures culturelles et sportives.

En confiant ces compétences aux collectivités, l’État a reconnu leur capacité à gérer de manière efficace et adaptée les enjeux fonciers locaux pour un développement endogène.
Une réforme foncière efficace ne peut être envisagée sans une analyse systémique approfondie, prenant en compte les interactions entre les différents acteurs impliqués : collectivités locales,État central, investisseurs privés et populations locales.
1. Le rôle stratégique des collectivités locales. Les collectivités territoriales disposent d’une connaissance fine des réalités locales et sont plus réactives face aux besoins des populations. Une gestion foncière centralisée risquerait de déconnecter la planification foncière des besoins spécifiques des territoires. Par exemple, ma Commune de Ngogom, en fonction des réalités locales, peut décider de : Réserver des terres pour le développement agricole afin d’assurer la sécurité alimentaire locale. Affecter des parcelles au logement social pour répondre aux besoins des populations vulnérables. Préserver certaines zones pour éviter l’expansion anarchique des constructions. Ces décisions fondées sur une approche de proximité, sont difficiles à reproduire à un niveau centralisé.
2. Les limites de l’ANAT dans la gestion foncière locale.
3. L’ANAT, bien qu’experte en planification stratégique nationale, n’a ni la proximité territoriale, ni la capacité de réponse rapide nécessaire pour gérer efficacement les dynamiques foncières locales. Une gestion centralisée du foncier risque d’aboutir à des décisions bureaucratiques éloignées des réalités locales. L’éloignement entre les besoins réels des populations et les décisions d’aménagement prises au niveau national pourrait ralentir la mise en œuvre des projets.
3. La question de la spéculation foncière et de l’urbanisation incontrôlée. La centralisation foncière pourrait favoriser une concentration des terres aux mains d’intérêts privés, augmentant ainsi le risque de spéculation.Par exemple, dans des zones stratégiques où des projets d’infrastructures majeurs (comme le projet ferroviaire Dakar-Bamako) sont prévus, il est possible que des investisseurs privés accaparent les terres en anticipant leur valorisation future, excluant ainsi les populations locales des bénéfices du développement.4. Une contradiction avec l’Agenda Sénégal 2050

L’Agenda Sénégal 2050 met en avant une approche territorialisée du développement, notamment à travers la consolidation des pôles territoires. Une recentralisation foncière serait contraire à cette vision, en réduisant la capacité des collectivités à gérer elles-mêmes leurs ressources stratégiques.Propositions pour une réforme Foncière Équilibrée et Durable plutôt que de centraliser la gestion foncière, des solutions plus équilibrées peuvent être mises en place :
-Renforcement des capacités des collectivités locales
-Formation des élus et agents municipaux sur la gestion foncière.
-Digitalisation des processus pour plus de transparence.
Coordination entre l’ANAT et les collectivités locales

L’ANAT peut jouer un rôle de planification nationale, tandis que les collectivités assurent la gestion opérationnelle des terres.
-Protection des terres agricoles et naturelles
Instauration de zones de protection foncière pour garantir la sécurité alimentaire.
-Gestion foncière participativeImplication systématique des populations et des acteurs locaux dans l’affectation des terres.

Conclusion : Vers une Réforme Foncière Inclusive et Cohérente

La gestion foncière est un levier essentiel pour le développement du Sénégal. Une décentralisation bien encadrée garantit une meilleure prise en compte des besoins locaux, tout en préservant les intérêts collectifs et les ressources naturelles. Plutôt que de centraliser la gestion foncière, il est nécessaire de renforcer les capacités locales, d’instaurer un partenariat stratégique entre l’État et les collectivités et de promouvoir une gestion transparente et inclusive du foncier. Cette position s’inscrit pleinement dans les objectifs des pôles territoires de l’Agenda Sénégal 2050, et une contribution complémentaire sera faite pour approfondir ce lien stratégique.

Papa Momar NGOM, Maire de la Commune de Ngogom (département de Bambey).

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