Le Maroc connaît une vague de contestation inédite menée par la jeunesse. Pour le sixième jour consécutif, des milliers de personnes sont descendues dans les rues ce jeudi pour réclamer une réforme urgente du système de santé et de l’éducation. Cette nouvelle journée de mobilisation intervient au lendemain d’une violente répression ayant coûté la vie à trois manifestants, abattus par des gendarmes.
« Justice pour les victimes » « Un hôpital digne, une école pour tous » pouvait-on lire sur les pancartes brandies par des manifestants à Casablanca Rabat, Fès et dans plusieurs autres villes du royaume. La plupart des rassemblements se sont déroulés dans le calmesous une surveillance policière renforcée.
À l’origine de ces mobilisations : la GenZ 212, un collectif né sur les réseaux sociaux qui revendique un mouvement citoyen non partisan. Dans un communiqué publié en ligne le groupe a appelé à manifester « pacifiquement » rejetant « toute forme de vandalisme ou d’émeute ».« Nous ne voulons pas le chaos, nous voulons des droits. Nos écoles s’effondrent, nos hôpitaux sont saturés et les familles n’en peuvent plus », témoigne Yasmine 22 ans, étudiante en sciences sociales à Rabat.
Les tensions se sont brusquement aggravées mercredi soir lorsque des affrontements ont éclaté dans la ville de Khouribga. Selon plusieurs sources locales, des gendarmes ont ouvert le feu sur des manifestants faisant trois morts et plusieurs blessés. Le gouvernement n’a pas encore communiqué de version officielle des faits, tandis que les appels à l’ouverture d’une enquête indépendante se multiplient.
« Ce qui s’est passé à Khouribga est inacceptable. Nous demandons des comptes et si le gouvernement n’est pas capable de protéger ses citoyens, il doit partir » a déclaré un avocat membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).
Face à l’émotion suscitée par les décès, des voix s’élèvent désormais pour exiger la démission du gouvernement. L’opposition parlementaire reste pour l’instant prudente mais certains députés ont demandé une session d’urgence.
Le Premier ministre n’a pas encore pris la parole publiquement depuis le début de la crise. Selon plusieurs observateurs, son silence alimente le ressentiment populaire.
« C’est une crise de confiance. La jeunesse ne croit plus aux promesses, elle veut des actes concrets » analyse un politologue de l’Université Mohammed V de Rabat.
Ce mouvement bien que spontané, semble s’inscrire dans la durée. L’utilisation massive des réseaux sociaux par les jeunes militants permet une coordination rapide et une diffusion immédiate des événements sur le terrain. Un nouvel appel à manifester a d’ores et déjà été lancé pour ce week-end.
Dans un pays où les protestations massives restent rares depuis les manifestations du Mouvement du 20 février en 2011, cette mobilisation marque un tournant social et politique majeur, porté par une jeunesse déterminée à faire entendre sa voix.