L’invitation du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye par Donald Trump, dans le cadre du sommet États-Unis–Afrique prévu du 9 au 11 juillet à Washington, suscite un flot de réactions dans les cercles diplomatiques comme dans l’opinion publique. Derrière cette rencontre en apparence protocolaire, se dessine une réalité géopolitique plus profonde : le retour offensif des États-Unis sur le continent africain — et la place désormais incontournable du Sénégal dans ce rééquilibrage stratégique.
Ce sommet n’est pas une initiative anodine. Il s’inscrit dans un contexte où les États-Unis cherchent à réaffirmer leur influence sur un continent de plus en plus courtisé par la Chine, la Russie, la Turquie ou encore les Émirats arabes unis. Donald Trump, fidèle à sa logique de puissance et à sa diplomatie directe, souhaite reprendre la main, notamment après avoir recentré sa politique étrangère autour du Moyen-Orient et de l’Asie lors de son premier mandat.
La convocation de plusieurs chefs d’État africains par le candidat républicain — dont Joseph Boakai (Liberia), Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau), Brice Oligui Nguema (Gabon) et Mohamed Ould El-Ghazouani (Mauritanie) — s’inscrit dans cette stratégie. La présence de Diomaye Faye dans cette short-list diplomatique ne doit rien au hasard : elle reflète le poids croissant du Sénégal sur la scène africaine et internationale.
Avec ses récentes découvertes de gaz et de pétrole, une transition politique saluée pour sa rupture démocratique, et un rôle stabilisateur au sein de la CEDEAO, le Sénégal incarne une forme d’espoir politique et énergétique dans une région sahélienne en crise.
Pays frontalier du Mali, de la Mauritanie et de la Guinée, il est à la croisée des enjeux sécuritaires et économiques. Le mégaprojet gazier GTA, mené avec la Mauritanie, en fait un interlocuteur incontournable sur la question énergétique. Ignorer le Sénégal dans une telle rencontre serait, selon de nombreux analystes, “géopolitiquement inconcevable”.
Depuis son élection, Bassirou Diomaye Faye affiche une ligne de rupture modérée, marquée par un discours souverainiste mais ouvert à la coopération. Son Premier ministre, Ousmane Sonko, s’est notamment distingué par une dénonciation ferme du refus de visas américains aux joueuses de l’équipe nationale féminine de basket. Pourtant, cette indignation n’exclut pas la participation aux grandes rencontres internationales.
Le message est clair : Dakar réclame une relation de respect mutuel, non une dépendance diplomatique. Et c’est justement cette posture — ferme sans être fermée — qui séduit aujourd’hui certains partenaires extérieurs en quête de crédibilité .
Dans cette nouvelle séquence diplomatique, les cartes sont en train d’être rebattues. Le Sénégal cherche à diversifier ses alliances, sans renier ses principes. Les États-Unis, eux, veulent regagner du terrain. Trump voit dans le Sénégal une “clé de voûte” régionale, un point d’ancrage dans une Afrique francophone en recomposition.
Reste à savoir si cette rencontre donnera lieu à des engagements concrets ou si elle restera symbolique. Une chose est certaine : dans ce ballet diplomatique, le Sénégal ne danse plus en bout de file. Il tient désormais le tempo.