Par Souleymane Jules SÈNE
Le 28 juillet 2025, Carrefour a officiellement annoncé son retrait d’Italie en cédant 1 188 magasins au groupe NewPrinces. Dans le même temps, au Sénégal, l’homme d’affaires Demba Ka, patron du groupe EDK, a finalisé le rachat de trois Carrefour Market et cinq Supeco, tout en reprenant la franchise de la marque pour le pays. Deux annonces qui, mises en perspective, disent beaucoup sur la recomposition de la grande distribution mondiale et sur les opportunités qui s’ouvrent pour les acteurs locaux africains.
Carrefour, recentrage stratégique ou sanction des consommateurs ?
Pour certains, la décision de Carrefour de quitter l’Italie serait la conséquence directe des campagnes de boycott qui ont visé l’enseigne. Mais la réalité est plus complexe. L’Italie était depuis plusieurs années un marché difficile pour le distributeur français : fragmentation extrême de l’offre, poids des enseignes régionales, guerre des prix avec les discounters et résultats chroniquement déficitaires. Carrefour choisit donc de couper une branche non rentable pour concentrer ses ressources sur ses marchés “cœur” : France, Espagne et Amérique latine.
Autrement dit, il s’agit moins d’une défaite politique que d’une opération de portefeuille : désinvestir là où la rentabilité n’est pas au rendez-vous pour réallouer capital et énergie aux zones où l’effet d’échelle et la croissance sont au rendez-vous.
Sénégal : le grand pari d’EDK
Au moment où Carrefour se désengage d’Italie, EDK, champion sénégalais de la station-service et de la distribution de proximité, reprend le flambeau de la franchise au Sénégal. Cette opération change la donne : EDK se dote d’un réseau de supermarchés et de magasins discount, consolide sa présence dans les grandes villes et gagne en pouvoir de négociation avec les fournisseurs.
L’enjeu sera double :
Maintenir la qualité et l’attractivité de la marque Carrefour, notamment via les marques de distributeur et les standards de service.
Renforcer le sourcing local, en faisant entrer massivement les producteurs sénégalais et les PME agroalimentaires dans les rayons. Cela permettra non seulement de réduire la dépendance aux importations et au change, mais aussi de répondre à l’attente des consommateurs pour un commerce qui soutient l’économie nationale.
Si cette stratégie est bien exécutée, EDK pourrait devenir l’acteur qui réconcilie grande distribution moderne et souveraineté alimentaire.
Une opportunité historique pour l’Afrique
Ces deux événements retrait d’Italie et expansion en Afrique montrent que les grands groupes occidentaux ajustent leur présence : ils se désengagent des marchés où ils sont trop faibles et s’allient à des champions locaux dans les marchés où la croissance est prometteuse. Pour les entrepreneurs africains, c’est une opportunité unique : prendre le contrôle de la distribution, structurer les filières de production locales, et construire des chaînes d’approvisionnement qui servent en priorité les besoins du continent.
Ce que EDK fait aujourd’hui pourrait inspirer d’autres groupes africains : il ne s’agit pas seulement de racheter des magasins, mais de bâtir une vision : celle d’un commerce moderne, compétitif, mais profondément enraciné dans l’économie locale.
#grandedistribution
#positionnementdemarque
#RetailSolutions
#autosuffisancealimentaire