La justice sénégalaise fait face à une vive controverse après sa décision de maintenir en détention Farba Ngom député-maire des Agnam et proche collaborateur du président Macky Sall malgré une contre-expertise médicale attestant d’un état de santé jugé « incompatible avec le milieu carcéral ».
Poursuivi pour blanchiment d’argent et escroquerie, le député Farba Ngom également membre influent de l’Alliance pour la République (APR) avait sollicité une libération provisoire pour raisons médicales, invoquant des problèmes de santé graves. Deux expertises médicales dont l’une diligentée par le parquet financier lui-même confirment la présence d’un syndrome d’apnée obstructive du sommeil sévère, d’une cardiopathie débutante et d’autres comorbidités à risque vital évoquant la possibilité d’une « mort subite nocturne » en l’absence de prise en charge adaptée.
Malgré cela le Collège des juges d’instruction du Pool judiciaire financier (PJF) a rejeté la demande de mainlevée du mandat de dépôt ordonnant à la place son transfert au Pavillon spécial, une unité médicalisée de l’administration pénitentiaire.
La décision du juge d’instruction suscite un tollé dans les milieux juridiques et parmi les défenseurs des droits humains. Babacar Ba président du Forum du justiciable a vivement réagi sur les antennes de la radio Sud Fm en dénonçant le mode de nomination des juges d’instruction :
« Tant que les juges d’instruction seront nommés par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice (membre de l’exécutif), leur indépendance reste fragile, pour ne pas dire inexistante »Cette déclaration remet en lumière une critique récurrente de la justice sénégalaise : son manque d’autonomie structurelle vis-à-vis de l’exécutif, notamment dans les affaires sensibles mêlant politique et argent.
La défense de Farba Ngom ne compte pas en rester là. Forte du rapport médical produit le 25 août dernier, elle a annoncé son intention de faire appel devant la Chambre d’accusation, afin d’obtenir soit une mainlevée du mandat de dépôt, soit un placement en résidence surveillée.
Maître Alioune Badara Cissé, l’un de ses avocats, dénonce une « détention arbitraire » et une « mise en danger de la vie » de son client qu’il considère comme un détenu politique.
Cette affaire relance plusieurs interrogations sur le fonctionnement de la justice au Sénégal :Alors que le Sénégal se trouve à un tournant politique majeur avec l’approche des échéances électorales de 2026 cette affaire pourrait bien devenir un symbole des défis démocratiques du pays.