C’est dans le silence et le deuil que des dizaines de femmes, toutes vêtues de noir, ont manifesté ce samedi dans la capitale sénégalaise. Une liste de sept noms, sept femmes tuées par des proches dans leur propre foyer, a donné le ton d’une mobilisation poignante contre les violences patriarcales et les féminicides.
Au cœur du rassemblement, un cercueil recouvert d’un linceul blanc symbolisait ces vies fauchées dans l’espace domestique, cet endroit censé être le plus sûr. Face à cette mise en scène funèbre, Wasso Tounkara, présidente du mouvement Sénégal Action Féministe, n’a pas mâché ses mots :
« Ces sept femmes ont été tuées dans un espace qu’elles pensaient être le plus sécurisé, c’est-à-dire chez elles. La famille aujourd’hui se trouve être l’espace le plus dangereux », a-t-elle dénoncé avec gravité.
A cette effet, en réponse à cette tragédie silencieuse, une vingtaine d’organisations féministes ont uni leurs voix pour signer un mémorandum. Ce document appelle à une réforme en profondeur du Code de la famille sénégalais et à l’adoption d’une loi spécifique contre les féminicides – un terme encore absent du droit national.
La démarche a reçu le soutien de la députée d’opposition Anta Babacar Ngom, présente lors de la manifestation. Elle a regretté le manque de réactivité des pouvoirs publics :
« On n’a pas entendu assez de la part de nos autorités sur ces questions-là. On est choquées et on dénonce le fait que ce soit une situation anormale. Nous, élues, on doit continuer à donner de la voix au sein de l’hémicycle », a-t-elle affirmé.
« Des chiffres alarmants »
Les données recueillies par les collectifs féministes dressent un tableau glaçant : depuis janvier 2024, 196 femmes ont été victimes de viols ou de meurtres au Sénégal. Des chiffres qui, selon les militantes, ne reflètent qu’une partie de la réalité, tant le silence, la peur et l’impunité empêchent encore nombre de victimes de parler.
Au-delà de la colère, cette manifestation traduit une exigence claire : que l’État sénégalais prenne enfin la pleine mesure d’un phénomène meurtrier, longtemps minimisé ou invisibilisé. Les militantes entendent poursuivre la mobilisation jusqu’à ce que justice, protection et dignité soient garanties à toutes les femmes.