L’Université Alioune Diop est à genoux. Ce qui devait être un pôle régional d’excellence devient peu à peu un symbole d’abandon. Avec plus de 13 000 étudiants pour des infrastructures conçues pour en accueillir bien moins de la moitié, la situation est devenue intenable. Et le silence des autorités ne fait qu’envenimer les tensions.
« Chaque jour, des centaines d’étudiants cherchent une salle de classe pendant des heures. Certains renoncent à suivre les cours, tout simplement parce qu’il n’y a pas de place », témoigne Ndeye Yacine Diop, présidente de la Commission Formation et Emplois de la Fédération des élèves et étudiants de Pikine (FEEP), et coordonnatrice à Bambey.
Les bâtiments se dégradent. L’un des blocs pédagogiques a été isolé pour des raisons de sécurité. Les amphithéâtres restants sont saturés. « Nous faisons parfois nos Travaux Dirigés à 4 km du campus, avec très peu de bus disponibles. »
Vivre à Bambey : un parcours du combattant
Côté social, les étudiants font face à une autre réalité brutale : un seul restaurant de 150 places sur le campus pédagogique, des files d’attente interminables sous une chaleur étouffante de 40 à 45°C, et des logements hors de prix. « Le complexe de 1 000 lits promis depuis des années est toujours inachevé. Les bailleurs privés en profitent : les loyers atteignent 50 000 francs CFA pour des chambres excentrées. »
Pire encore, les services de santé sont quasi inexistants. « L’infirmerie du campus ferme à 16h. Une nuit, après avoir été perfusée à l’infirmerie sociale, j’ai dû être portée sur des kilomètres par mes camarades, car l’ambulance a refusé de me raccompagner », raconte Ndeye Yacine, visiblement éprouvée.
Quand les revendications deviennent un crime
Face à cette situation, la coordination des étudiants avait décrété plusieurs jours de grève pour exiger des solutions. La seule réponse des autorités ? La dissolution pure et simple des amicales étudiantes. « C’est un coup dur. Sans coordination, qui va défendre nos droits ? », s’insurge l’étudiante.
Aujourd’hui, la majorité des étudiants plient bagage. Ceux qui restent vivent dans une ambiance tendue, marquée par des arrestations aléatoires de jeunes sans pièce d’identité. « C’est devenu un problème sécuritaire. Même circuler devient dangereux. »
Un appel au dialogue ignoré ?
Malgré la crise, les étudiants se disent prêts à tendre la main. « Nous ne voulons pas la confrontation. Nous voulons étudier, dans des conditions dignes. Ce n’est pas du luxe, c’est une exigence minimale », plaide Ndeye Yacine Diop.
Elle appelle à un sursaut de l’administration universitaire : « Il faut que le conseil académique rompe le silence, engage le dialogue et trouve des solutions. L’avenir de milliers d’étudiants en dépend. »