Paré comme un notable mossi, le député sénégalais Guy Marius Sagna s’est livré hier à un plaidoyer vibrant, mais troublant, en faveur du président burkinabè Ibrahim Traoré. Dans un exercice où la mauvaise foi le disputait à l’imposture, Sagna a tenté de réhabiliter le chef de la junte, présenté comme une victime des « impérialistes » et de leurs médias soumis. Mais derrière ce sophisme, une question se pose : qu’est-ce qui anime réellement Guy Marius Sagna ? L’amour proclamé des peuples africains ou une obsession monomaniaque contre la France ?
Cette haine de la France, ou du moins son opposition systématique, atteint parfois des sommets de ridicule. Ainsi, Sagna, homme cultivé, n’a-t-il pas récemment cité Romain Gary sans oser le nommer, par peur sans doute de référer à un écrivain français ?
Ce genre de contorsion trahit une posture plus idéologique que cohérente, où même la culture devient un champ de bataille.
Dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Alliance des États du Sahel (AES), formée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger, des dérives autoritaires et des violations des droits humains s’accumulent, loin des idéaux panafricains que Sagna prétend défendre. Au Burkina Faso, Human Rights Watch a documenté des crimes ethniques présumés, notamment l’exécution de 223 personnes, dont un quart d’enfants, dans deux villages en février 2024, lors d’opérations antiterroristes. Les journalistes, eux, sont réduits au silence. En avril 2025, une vidéo montrant trois reporters burkinabè en treillis militaire, le crâne rasé, forcés de s’exprimer sous la contrainte après avoir été enrôlés de force, a suscité l’indignation. On aurait aimé entendre Sagna, fervent défenseur de Pape Alé Niang au Sénégal, s’émouvoir de ce sort. Mais silence radio.
Au Mali, la junte a franchi un cap en avril 2025 en suspendant les activités des partis politiques et des associations, muselant toute opposition. Les ONG, comme la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), décrivent un climat de « répression systématique » où les défenseurs des droits humains sont harcelés, arrêtés ou poussés à l’exil. Au Niger, la situation n’est guère meilleure : les libertés d’expression et de presse sont entravées, les médias internationaux suspendus, et les associations dissoutes. Le Barreau du Niger dénonce des interpellations arbitraires et des violations des droits fondamentaux, malgré les engagements de la junte à respecter la Charte africaine des droits de l’homme.
On nous rétorquera que ces pays sont en guerre, justifiant des mesures d’exception. Mais au Sénégal, pour bien moins, Sagna aurait organisé cent jours de manifestations. Cette indulgence sélective révèle l’opium du leader du FRAPP : une lutte obsessionnelle contre « l’impérialisme français », qui absout toutes les dérives autoritaires pourvu qu’elles s’affichent anti-occidentales. Cette posture le pousse à des comparaisons hasardeuses. Ibrahim Traoré, malgré son charisme, n’a rien du capitaine Sankara, dont les conceptions progressistes du pouvoir contrastaient avec l’autoritarisme actuel. Quant à l’analogie entre l’« expérience révolutionnaire » de l’AES et le Sénégal, elle est fallacieuse et inquiétante. Sagna nous prédirait-il un avenir de parti unique, de presse muselée et de libertés bafouées ?
La lutte contre le néocolonialisme ne doit pas se faire au prix de la vérité ni de la défense des principes universels. En s’érigeant en bouclier des régimes militaires sahéliens, Guy Marius Sagna ne sert ni les peuples africains ni la cause panafricaine. Il cède à un aveuglement idéologique qui, loin de libérer, enchaîne.